Café philo du 02 avril 2016
Sujets proposés
E. : Le travail doit-il avoir un sens ?
J.Y. : L’art est-il un langage comme les autres ?
S. : Doit-on tout accepter ?
P. : Le temps passé à lire (des romans) est-il du temps perdu ?
L.J. : Faut-il se forcer à être dans la réalité ?
Le sujet de Patrice est choisi.
Le temps passé à lire est-il du temps perdu ?
P. Après avoir lu un roman, il y a un sentiment de frustration d’avoir peut-être vécu par procuration : est-ce du temps perdu, n’aurait-on pas mieux fait de vivre (réellement) ce qui est écrit ?
G : On peut aussi lire des essais et ne rien faire ; le problème n’est pas limité aux fictions
Questions de l’intervenant
- Qu’est-ce que lire ?
- Qu’est-ce qu’agir ?
- Qu’est-ce qui nous empêche d’agir ?
- Qu’est-ce que perdre ou gagner son temps ?
- A quoi nous entraîne de lire ?
Hypothèses
L.J. : La lecture est une activité méditative, elle permet de se ressourcer et de lâcher prise. Elle est donc complémentaire à l’action ; et lâcher prise permet de libérer son imagination.
Intervenant : L’imagination est-elle active ou passive ?
Ch. : La lecture permet plus de faire le plein que faire le vide : lire un roman nous fait éprouver des émotions. Or, l’émotion est le facteur principal de l’action. La lecture nous donne donc des éléments nouveaux pour agir.
M. : Lire est un besoin qui comble un vide, par exemple pour les personnes en état de solitude. Mais ça nous empêche aussi d’agir, car on s’évade de nos problèmes.
C. : Le rêve fait partie de notre vie, mais il ne nous permet pas d’agir. C’est une respiration.
E. : Le temps passé à lire nourrit l’action, car les gens qui ne veulent pas lire ne veulent pas être connectés « à quelque-chose de violent pour eux».
J.Y. : Pourquoi lit-on ? Nous avons besoin qu’on nous raconte une histoire.
Intervenant : La parole judéo-chrétienne est tirée de la tradition grecque du Logos. On a besoin de récit, qu’on nous raconte le monde. Mais est-que ça empêche ou est-ce que ça pousse l’homme à agir ?
J.Y. : On peut comprendre l’absurdité du monde à travers une histoire.
Récit et tradition écrite
Intervenant : Les traditions judéo-chétiennes sont des traditions du livre, en opposition aux traditions orales. Le récit permet d’organiser l’univers. Pourquoi a-ton besoin de ce récit ?
C. : Pour avoir des racines , rentrer dans le temps passé, présent et futur.
Intervenant : Qu’est-ce que le temps ? Qu’est-ce qu’agir ?
J.Y. : Agir, c’est tenter de modifier le monde.
G. : C’est faire quelque chose avec un but
Ch. : Changer demain par rapport à aujourd’hui
Action et pensée
Intervenant : La pensée est-elle présente si on est complètement dans l’action ?
P. On ne pense pas en agissant
Ch. : Penser et agir, c’est la même chose
P.P. : Il y a méprise sur le mot «action». Réfléchir, c’est agir.
Cl. : Il y a une suspension du temps pendant l’action, puis la réflexion revient.
J. : Pendant sa performence, un sportif ne pense à rien
Intervenant : L’acte de pensée est différent d’agir avec son corps.
Ch. : Le corps et l’esprit, c’est la même chose. On ne peut pas agir sans penser, car l’action et la pensée pendant l’action sont la même chose.
A. : Il y a une suspension du temps quand les 5 sens sont en jeu.
Résumé du débat
Intervenant : Quand on agit, on n’est plus dans la pensée volontaire. Il faut comprendre la pensée et le temps : pendant l’action, on est complètement dans son corps, on ne voit pas le temps passer. Donc la pensée engrange le temps. Et donc, qu’est-ce que la pensée ?
Qui pense ? D’où vient la pensée ?
La pensée utilise les 5 sens, et la mémoire. La pensée est donc liée au temps. On ne peut pas penser ce qu’on n’a pas vécu, donc on ne peut pas penser l’inconnu.
S. : Comment font les chercheurs s’ils ne peuvent penser l’inconnu ?
Intervenant : Le monde des idées n’est pas le monde de la pensée. Il y a une différence entre l’impression de continuité du moi, et la réalité de la pensée qui est éphémère. Par exemple, Socrate reste des heures debout sans s’ennuyer, car l’ennui naît de la pensée. Mais que se passerait-il si la pensée était arrêtée longtemps ?
J.Y. : On redeviendrait des animaux
P.P. : Je me sens plus vivant dans la discussion que dans la méditation
Intervenant : Quand on lit, on nourrit la pensée. La pensée déclenche les émotions.
L.J. : Et réciproquement
A. : Quelle est la différence entre la pensée et l’action ?
J.Y. : L’instant est l’étoffe, le moment est la mesure de cette étoffe.
Récit et histoire
A. : Le récit enrichit sa propre histoire. On a une histoire commune, celle de l’humanité. L’histoire commune définit l’appartenance à un groupe.
Intervenant : Il y a adhésion à une tradition. La paternité est une histoire, qu’on a raconté à l’enfant.
L.J. : Comment faire la différence entre bonne mauvaise lecture ?
Intervenant : Il faut faire la différence entre réalité et histoire.
J.Y. : Dans les moments de méditation, on s’approche du moi.
Intervenant : Qui médite ?
L’étonnement n’est pas seulement intellectuel, c’est un état d’être. Dans le scepticisme, quand on pose une question, on pratique la suspension du jugement. Socrate nous conduit à l’aporie : on ne peut philosopher que quand on est dans une impasse.
Philosopher, c’est réintégrer la réalité, mourir à toute cette histoire que l’on nous raconte.
A. Nous ne vivons pas, nous espérons vivre.
Conclusion : bons et mauvais romans
P.P. Pourquoi trouve t-on de l’intensité dans un roman, et pas dans la vie ? «L’existence est lente, l’espérance est violente» (ref ?).
J.Y. : Au cinéma, le moi est absorbé.
Intervenant. : Pourtant, la réalité est beaucoup plus riche que l’histoire : toutes les sensations, les sentiments, etc..
Le mauvais roman est celui qui nous permet de nous échapper : échapper à l’existence et à la mort. Car exister, c’est mourir.
Mais la lecture permet aussi de mieux appréhender la réalité.
A. Un livre peut faire écho à notre histoire personnelle.
Intervenant : Le bon romancier est celui qui va nous sortir de nous-même, et non nous enfermer toujours dans la même histoire.